Un peu de poésie

Parmi les adhérents de Bize Patrimoine, nous avons un poète qui de temps à autre nous propose quelques vers. Inspiré par la beauté des sites remis en valeur, la nature mais aussi les hommes, il exprime avec talent de belles émotions. Voici pêle mêle quelques-uns de ses poèmes.

BOUSSECOS…ce Sphinx
 
Comme le Sphinx assis aux pieds de pyramides,
Du regard Boussecos embrasse l’horizon,
Où des bras vigoureux et des cœurs intrépides                                    
L’ont sauvé, sans faiblir de sa verte prison…
 
Aujourd’hui délivré des envoûtantes chaînes,
Pareille au vin nouveau, se répand son aura,
Dont la garrigue en fleurs s’enivre des haleines
Que l’outil, dans la main de l’homme libéra…
 
Car cet Intemporel, renaissant de ses cendres,
Du cathare ‘parfait’ porte encore l’habit,
Pour que nos cœurs d’enfants toujours rêveurs et tendres,
Conservent à jamais de l’Occitan l’esprit…
 
Et si des Visigots, notre Tour fut symbole
Du génie animant la gloire des anciens,
Résonne à l’infini depuis cet Acropole,
Le pays Minervois chantant l’Amour des siens...   21/10/2014
L’AÏEUL
 
Le grand père pensif, assis sur son velours,
A l’ombre de la treille aux parfums de muscats, 
Ecoute aux champs les bœufs peiner dans les labours
Sous le joug dont le buis gémit à chaque pas.
 
Sous le vieux béret basque il tire sur sa pipe,
Laissant se dérouler de ses ans l’écheveau,
Sur l’angélus du soir sa laitière anticipe
Pour donner de l’amour et du lait à son veau.

Comme elle, il a nourri, protégé ceux qu’il aime,
Savouré le bonheur de chaque fleuraison,
Bâti des lendemains, baptême après baptême,
Sans un jour manier opprobre et déraison,
 
Car la terre cathare empreinte de noblesse,
Avec pudeur suggère au sage les propos, 
Dont le verbe exprimé parfois avec rudesse,   
Ne la blesse jamais et adoucit ses maux…

Et, s’il ressent toujours pour que son âme vive,
De son pays le cœur avec les siens autour,
La fleur d'alexandrin que son sillon cultive
L’enracine un peu plus à ce sol chaque jour.
 
Alors s’assoupissant, il revoit sa jeunesse,
La colline boisée où fume sa maison,
Et laisse son regard, embué de tendresse,
Vers l’infini couchant se perdre à l’horizon… 20/02/2013
AUX AÎNES… 
 
Quand le Printemps nouveau ondule de sa brise,
Des genêts refleuris les tendres vagues d’or,
Notre garrigue en fleur de ses parfums se grise
Pendant que lentement s’installe son décor.
 
Hardiment les Aînés marchent à tire-d’aile
Hors des sentiers battus en pays Minervois,
Où leur cœur aguerri avec entrain martèle,
De ce sol calciné les rides d’autrefois.          
 
Et sous nos pieds déjà le thym, le romarin,
L’asphodèle étoilé, les roquettes sauvages,
Embaumant à l’envi les pierres du chemin,
Font pétiller nos yeux d’inouïs paysages
 
Ouverts sur l’infini d’un grand livre illustré,
Dont Nature repeint dès l’aube tous les tomes…
Et, devant ce tableau géant, démesuré,
Où portent nos regards, éblouis nous le sommes !
 
Dès qu’un peu de Printemps sourit au petit jour,  
Ensemble nous goûtons au bonheur d’être libre
Et pour chasser l’hiver nous fêtons son retour
Avec le vent d’autan notre éternel félibre,
                                           
Qui nous souffle surtout avec son bel accent, 
Roulant dans tous les cœurs comme un torrent d’eau vive: 
Puisque seul du passé importe le présent,
Vivre c’est exister pour demain qui arrive…   3/7/3014
LE  FAUCHEUR
 
Le faucheur ruisselant appuyé sur sa faux,
Eblouï par l’acier qu’il aiguise sans cesse,
Perçoit au fond de lui cette troublante ivresse
Que diffuse en été l’odeur des grains nouveaux.
La farine au moulin reflète la caresse
De chaque épi semé au travers du vallon
Dont la pure blancheur levant un pain si bon
A pétri des aïeux la profonde sagesse !
 
Avant lui, il le sent, le manche de l’outil
A courbé dignement l’échine de l’ancêtre
De cette soif de vivre au-delà de son être,
Imprégnant à jamais sa veste de coutil.
 
Alors, ardeur il fauche, sans mollesse
Et buvant quelquefois à même le goulot,
Des souvenirs heureux collés à son sabot
Il expulse l’ivraie avec délicatesse !
 
Depuis, tout le blé d’or tombant des lourds boisseaux
Ressème dans mon cœur l’âme de cette terre
Où germe à l’infini le froment de mon père
Car ma plume aujourd’hui est fille de sa faux… 21/01/2014

Mon pays, poésie de Michel Decor, reçue en janvier 2018

Lo mèu pais…Lo mèu pais comença al furòl del bartàs, jos lo cade verdàs, al bragalon raspat per unas lèbres bèlas, al clapàs arroïnat de vièlha capitèla, al figum amagat d’una traça figuièra, al cipressièr ponchut que son det n’es macat de grafinhar lo cèl, al taperièr crocut que sa flor espelis dins l’aire coma mèl, a la senda que monta al ras de las muretas cap a lo pais naut en cerca d’èrbas dreitas…Lo mèu pais n’en finis pas de perseguir l’aureta.

Mon pays commence à la trace de sauvagine, au pied du buisson, sous le vert genévrier, à l’aphyllanthe rongée par de beaux lièvres, au tas de cailloux d’une vieille capitelle ruinée, aux figues cachées d’un figuier malingre, au cyprès pointu dont le doigt est meurtri à force d’égratigner le ciel, au caprier crochu dont la fleur s’épanouit dans l’air comme le miel, au sentier qui monte au ras des murets vers les hautes terres en quête d’herbes fraîches.... Mon pays n'en finit pas de poursuivre la brise.

Miquèl Decòr : « Eiretièrs de la luna »   Vendemias-IEO - N° 66 - 2008.